Cette première partie, introductive, rassemble les éléments qui permettront de situer Rousseau en 1762 alors qu'il découvre en la botanique un passe-temps scientifique. Nous allons d'abord cerner l'homme, puis son époque, avant de le suivre dans ses premiers balbutiements botaniques.
A l'aide des textes de Rousseau, nous allons tenter de mettre à jour les racines de sa passion pour la nature en général, passion qui le conduira à la pratique de la botanique. Ses premiers contacts avec la flore, il faut aller les chercher dans ses tendres années de jeunesse. Là se serait forgé cet amour de la nature qui ne le quittera jamais. Là aussi se serait formé ce germe d'intérêt pour la botanique qui restera ensuite en latence 22 ans, pour éclore enfin en 1762. Durant cette période, Rousseau séjournait loin de la nature, à Paris, ou était occupé à la rédaction de ses romans à l'Ermitage et à Mont-Louis. Les textes dont nous nous servirons plus spécifiquement seront ses écrits autobiographiques ainsi que les oeuvres rédigées avant 1762.
Il convient de compléter cette partie introductive d'abord en faisant le point sur le contexte social et sur l'état de la botanique au XVIIIème siècle; ensuite en rappelant dans un bref historique ce qu'ont été les débuts botaniques de Rousseau.
Nous allons analyser de près les textes littéraires de Rousseau où il est question de botanique. Cet examen nous permettra de voir comment une passion assez tardive a pu s'insérer dans l'oeuvre du promeneur solitaire, c'est-à-dire quelle place lui a été donnée et quel rôle elle a joué dans son écriture.
Lorsque l'on s'intéresse à un sujet particulier et précis comme la botanique, il faut faire appel à un vocabulaire spécifique. Le nouveau lexique à la fois élargit le vocabulaire de l'utilisateur et restreint l'usage de ses termes à la matière abordée. Afin d'en saisir les richesses et les contraintes, nous définirons, dans les pages qui suivent, l'horizon linguistique particulier à la botanique et dans lequel Rousseau compose ses textes.
Dans ce chapitre, on s'efforcera de déterminer la place qu'a fini par occuper la botanique dans la vie de Rousseau. De simple passe-temps, elle est devenue une nécessité affective parce qu'elle lui procure une certaine paix de l'âme. D'autre part, lorsque Rousseau se sentira persécuté et attaqué de toutes parts, il invoquera pour sa défense sa passion tout innocente pour la botanique.
L'étude des plantes, Rousseau l'affirme lui-même dans la septième promenade, rappelle chez lui des souvenirs heureux. Nous allons analyser le fonctionnement des remémorations, puis nous ferons l'inventaire des souvenirs qui sont rattachés aux charmes de la botanique.
Nous avons envisagé jusqu'à maintenant la botanique comme nécessité affective et catalyseur du souvenir. Il reste à l'aborder sous l'angle d'une activité scientifique, ce que nous ferons en brossant le portrait de Rousseau vulgarisateur à partir de ses écrits scientifiques sur la botanique, à savoir les Lettres sur la botanique et le Dictionnaire de botanique. Pour ce faire, nous procéderons d'abord à une évaluation du savoir de Rousseau ainsi qu'à un survol de toutes ses activités scientifiques qui ont touché de près ou de loin le domaine de la botanique.
Afin de mesurer la pertinence de ses écrits scientifiques sur la botanique, il importe de savoir quelle était exactement l'érudition botanique de Rousseau, vers 1771, alors qu'il écrivait la première des Lettres sur la botanique et qu'il rédigeait probablement en même temps le Dictionnaire de botanique. Un recensement des livres lus, ou, tout au moins, que l'on sait connus par Rousseau, nous servira d'étalon pour évaluer l'étendue de son savoir. Nous ferons ensuite un dénombrement de ses relations avec des botanistes. Cela devrait nous permettre de situer le niveau de ses connaissances en le comparant à celui des botanistes avec lesquels il a eu des contacts.
Bénéficiant d'une formation suffisante, Rousseau était en mesure, aux alentours de l'année 1770, de prendre position dans certains débats scientifiques et pouvait envisager de participer au progrès de la botanique, notamment, comme on le verra plus loin, en s'adonnant à une écriture de vulgarisation scientifique.
Maintenant qu'est établie la compétence technique de Rousseau, dont on sait quelle bonne connaissance il a du contexte scientifique contemporain, nous allons analyser ses écrits botaniques, les Lettres sur la botanique et le Dictionnaire de botanique, sous l'angle du didactisme, de la promotion et de la vulgarisation de cette "aimable science".